Obligations du courtier

by | Oct 21, 2015

OBLIGATIONS DU COURTIER D’ASSURANCES LORS DU RENOUVELLEMENT D’UNE POLICE

 

La Cour supérieure s’est récemment prononcée sur les obligations du courtier d’assurance dans le cadre du recours intenté par Bar et spectacles Jules et Jim inc. (ci-après « BSJJ ») contre La Maison Jean-Yves Lemay Assurances inc. (ci-après « Lemay Assurances »), le courtier d’assurances Warren ainsi que l’évaluateur agréé Légaré (2014 QCCS 5443).

LES FAITS

Dans cette affaire, la demanderesse BSJJ est propriétaire d’un immeuble et elle retenait depuis 2006 les services de Lemay Assurances à titre de courtier pour l’assurer. Le 1er juin 2010, la police d’assurance annuelle émise par l’entremise de Lemay Assurances venait à échéance. La valeur de la couverture d’assurance en cas de perte totale de l’immeuble était jusque-là fixée à 424 000$.

 

Le 27 mai 2010, le défendeur Warren, nouvellement responsable de ce dossier et exerçant chez Lemay Assurances, a rencontré la représentante de la demanderesse, Mme Blasco, pour discuter du renouvellement de la police d’assurance. Le lendemain, Warren l’a informée qu’une évaluation de son immeuble serait effectuée par Légaré. Dans l’attente, la police a été renouvelée avec une couverture d’assurance maintenue à 424 000$. Le 22 juin 2010, étant sans nouvelles de l’évaluateur, Mme Blasco a dû rappeler son courtier qui lui a confirmé que l’évaluateur communiquerait avec elle dans les jours suivants. Après avoir visité les lieux le 2 juillet, Légaré a signé son rapport le 10 juillet, mais Warren n’en a pris connaissance que le 20 juillet, le confiant aussitôt à une collègue étant donné qu’il quittait pour des vacances deux jours plus tard. Avant que le montant de couverture ne soit haussé à la valeur de reconstruction évaluée par Légaré, soit 565 000$, un incendie a détruit l’immeuble le 23 juillet.  BSJJ alléguait que Lemay Assurances et Warren avaient failli à leurs obligations en n’agissant pas avec prudence et diligence et que l’évaluateur Légaré avait commis une erreur significative en fixant la valeur de l’immeuble puisque suivant l’admission des parties, c’est plutôt une somme de 714 845$ qui aurait dû être retenue. BSJJ réclamait donc notamment la différence entre la somme qu’elle avait obtenue de son assureur et celle qu’elle aurait dû obtenir n’eût été des fautes alléguées.

DÉCISION

Dans son jugement, le tribunal retient de nombreuses fautes à l’endroit du courtier. D’abord, il a commis une faute en omettant d’aviser Mme Blasco qu’en présence d’une clause au contrat d’assurance intégrant le coût de démolition à la valeur de l’immeuble, il était nécessaire de hausser la couverture. Ensuite, il a commis une faute en omettant d’en informer l’évaluateur afin que ce dernier mentionne cette exclusion dans son rapport ou qu’une somme soit prévue à cette fin. Devant l’absence d’une exclusion pour les frais de démolition et devant un calcul qui laissait songeur, le tribunal estime que Warren aurait dû s’enquérir auprès de Légaré pour obtenir des détails, ce qu’il n’a pas fait.

Le juge considère également que Warren a commis une faute en n’informant pas adéquatement son assurée, en présence d’une clause à cet effet au contrat, de l’impact possible de frais supplémentaires découlant du respect des nouvelles normes de construction et des règlements municipaux en vigueur. Sur ce point, le tribunal est d’avis que Warren aurait dû recueillir les renseignements nécessaires pour lui permettre d’identifier les besoins de la cliente et les transmettre à l’évaluateur afin que ce dernier puisse évaluer correctement le risque. Finalement, le juge est d’avis que le courtier n’a pas fait preuve de prudence et de diligence dans la gestion du dossier de BSJJ. Il a d’abord accusé un retard dans sa prise en charge en contactant Mme Blasco quelques jours avant le renouvellement de la police. Ensuite, il a manqué de rigueur dans son suivi, notamment en ne confiant pas rapidement un mandat à l’évaluateur et en ne traitant pas de façon prioritaire le dossier lors de la réception du rapport de Légaré au mois de juillet. Quant à ce dernier, bien qu’il ait commis une faute lors l’évaluation de l’immeuble de BSJJ, il n’a pas été condamné puisque même en l’absence de cette faute, la couverture n’aurait pas été haussée en temps opportun.

Il importe donc pour un courtier d’assurance de ne pas se satisfaire d’un renouvellement automatique de la police d’assurance, et ce, même en présence d’une augmentation régulière et automatique du montant de couverture suggéré par l’assureur. En effet, la Loi prévoit que le courtier doit prendre les moyens requis pour que la garantie offerte réponde aux besoins du client. Son devoir de conseil constitue donc une obligation dont il doit s’acquitter lors de chaque renouvellement de police d’assurance.

PFD

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