Exclusion pour commission d’actes criminels : La cour d’appel en précise la portée
La Cour d’appel a récemment précisé qu’une clause générale d’exclusion de couverture dans une police d’assurance terrestre, en lien avec la commission d’un acte criminel, ne sera pas valide si l’infraction reprochée est dite « hybride » (Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance-vie c. Émond, 2016 QCCA 161).
Les faits de cette affaire peuvent se résumer ainsi. L’assuré conduisait une motocyclette lorsqu’il est capté à 123 km/h par une opération radar. Voulant l’intercepter, le policier se lance à sa poursuite, laquelle se déroulera sur une vingtaine de kilomètres, à des vitesses excédant par moment 200km/h. Cette poursuite se terminera par la perte de contrôle de la motocyclette et ultimement par la mort de l’assuré.
En vertu de la police d’assurance de la demanderesse, les héritiers de l’assuré font une réclamation afin de toucher le bénéfice de l’assurance-vie. L’assureur refuse alors de verser la prestation prévue, en invoquant une clause générale d’exclusion qui se lit comme suit :
1) Le contrat ne donne droit à aucune prestation dans les cas suivants :
[…]
f) si l’accident survient lors de la participation de l’assuré à tout acte criminel ou à tout acte qui y est lié;
L’assureur plaide que la conduite dangereuse de l’assuré et sa fuite au moment où les policiers tentent de l’intercepter constituent des actes criminels et donc que la clause doit trouver application.
Les héritiers, comme l’avait décidé la juge de première instance, plaident plutôt que la portée de l’expression « acte criminel » à l’article 2402 C.c.Q. doit être limitée aux actes criminels purs (actes qui sont exclusivement poursuivis par voie de mise en accusation) et exclure les infractions dites « hybrides ».
Il faut comprendre que les infractions hybrides donnent le choix au procureur général de les poursuivre par mise en accusation ou par procédure sommaire, contrairement aux actes dits « purs ».
Après une longue analyse de la jurisprudence sur le sujet, de l’interprétation donnée par la doctrine, mais également sur l’article 34 c) de la Loi d’interprétation, la Cour conclut que l’expression « acte criminel » énoncée à la police et à l’article 2402 C.c.Q. ne vise que les actes criminels purs.
Cet article 34 c) prévoit ceci :
34. (1) Les règles suivantes s’appliquent à l’interprétation d’un texte créant une infraction :
[…]
c) s’il est prévu que l’infraction est punissable sur déclaration de culpabilité soit par mise en accusation soit par procédure sommaire, la personne déclarée coupable de l’infraction par procédure sommaire n’est pas censée avoir été condamnée pour un acte criminel.
[nos soulignements]
Les infractions reprochées à l’assuré pouvant être poursuivies par mise en accusation, donc hybrides, la Cour confirme le jugement de première instance en décidant que cette clause ne s’applique pas en l’espèce.
La Cour précise cependant que les assureurs ont et auront toujours le droit de prévoir des exclusions spécifiques relativement à des infractions, comme la conduite dangereuse.
Nous sommes d’avis que ce jugement pourrait amener les assureurs à revoir les clauses d’exclusions générales à leur police et à préciser le vocabulaire dans le cas d’actes criminels. Bien que rendu dans le cadre d’une assurance-vie, les polices d’assurance de dommages sont aussi touchées par cette décision, puisqu’elles font aussi partie de l’assurance terrestre.
En effet, si votre police d’assurance contient cette clause d’exclusion générale pour les actes criminels, il est fort possible qu’elle ne trouvera pas application aux infractions que vous pouviez avoir en tête lors de sa rédaction. Les infractions hybrides sont très communes dans le Code criminel et encore plus dans d’autres lois fédérales.
N’hésitez pas à communiquer avec nous pour en savoir davantage ou pour toute question en lien avec votre police d’assurance.
Les avocats du secteur PFD assurances