Le non-renouvellement

by | Mar 28, 2016

L’assureur a-t-il l’obligation de renouveler la police d’assurance? – Syndicat de copropriétés Les Verveines phase II c. Royal & Sun Alliance du Canada, 2016 QCCQ 866

La problématique

L’assureur a-t-il l’obligation de renouveler une police d’assurance à la fin de son terme? Dans l’hypothèse où l’assureur ne renouvèle pas la couverture de l’assuré, peut-il être tenu de rembourser à l’assuré les frais encourus par la recherche d’un nouvel assureur? La Cour du Québec a récemment répondu à ces deux questions.

 

Dans l’affaire en l’espèce, l’assureur refuse de renouveler la police d’assurance d’un syndicat de copropriété, considérant la structure de l’immeuble instable. Ce motif est précisément communiqué à l’assuré pour justifier la fin de la relation contractuelle. Suite à ce non-renouvèlement, le syndicat ne réussit pas à se trouver d’assureur unique et doit plutôt solliciter une couverture auprès d’un consortium d’assureurs, à grands frais. Entre temps, l’assuré fait effectuer une expertise par un ingénieur afin de démontrer la stabilité de l’immeuble. Le syndicat de copropriété réussit, suite à cette expertise, à obtenir une police d’assurance auprès d’un assureur unique. Ce dernier accepte le risque sur la base de ce rapport d’ingénieur.

 

Les frais d’assurance payés au consortium ainsi que les frais d’expertise de l’ingénieur sont réclamés par l’assuré à son ancien assureur. Le syndicat ne conteste pas le droit de l’assureur de ne pas renouveler la police d’assurance, mais bien le motif évoqué, soit la non-stabilité de la structure.

 

L’analyse

Cette décision, bien que très succincte, illustre plusieurs situations pouvant moduler les obligations de l’assureur au moment de l’échéance de la police.

 

La règle générale, s’appliquant au cas en l’espèce, veut qu’en l’absence de disposition contraire, l’assureur n’a aucune obligation de reconduction de la police à la fin du terme. Même s’il est démontré que le non-renouvèlement de la police cause des frais supplémentaires à l’assuré, l’assureur n’a aucune responsabilité à cet égard.

 

En revanche, il en est tout autre si le contrat d’assurance comporte une clause de reconduction automatique ou une clause de renouvèlement d’un commun accord. Par contre, en l’absence de telles dispositions, le contrat prend fin lorsque le terme de la police expire.

 

Si un autre assureur accepte d’assurer le risque non-renouvelé, ce fait ne donne pas droit à l’assuré de réclamer des dommages à son ancien assureur pour les frais encourus entre temps. Il est à rappeler que chaque assureur « a le droit d’analyser et de choisir les risques qu’il accepte de souscrire[1]. »

 

Il ne faut surtout pas perdre de vue les obligations de bonne foi incombant à l’assureur dans ses agissements; le contrat d’assurance en est un de la plus haute bonne foi après tout. Dans l’affaire en espèce, rien ne laisse présager un acte de mauvaise foi. Malgré des rapports de force parfois démesurés entre l’assureur et l’assuré, la liberté contractuelle doit primer dans leurs rapports[2].

 

La communication des motifs de résiliation

L’assureur est tenu de communiquer sur demande ses motifs de résiliation à l’assuré. En effet, l’assureur refusant de communiquer les motifs de résiliation de la police doit donner accès au dossier qu’il détient sur l’assuré, lorsque ce dernier est par exemple dans l’impossibilité d’obtenir une nouvelle police d’assurance chez d’autres assureurs[3]. Informer l’assuré de ce motif lui permet de remédier au défaut reproché et d’être en mesure de contracter une nouvelle assurance[4].

 

Qu’en est-il du courtier d’assurance?

Ce principe, fort simple pour l’assureur, peut-il être source de problème pour le représentant certifié? En effet, ce dernier est tenu à certaines obligations spécifiques en vertu des dispositions de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (LDPSF). Il doit, à l’occasion du renouvèlement, « prendre les moyens requis pour que la garantie offerte réponde aux besoins du client », selon l’article 39 LDPSF. Il est donc pertinent de se demander si l’assuré peut reprocher à son courtier l’impossibilité de replacer son risque, ou les frais supplémentaires engrangés suite au non-renouvèlement de l’assureur. À cet égard, la jurisprudence est muette, mais il est possible d’inférer que le courtier qui agit de manière diligente envers son client ne peut se faire opposer le refus des assureurs d’assurer le risque qu’il leur soumet.

 

Le représentant agit de manière conforme en étant transparent envers son client. Cette obligation est énoncée à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Le représentant doit aussi prévenir l’assuré dans les plus brefs délais, s’il se trouve dans l’impossibilité de se conformer au mandat lui étant confié, selon l’article 26 du Code de déontologie. Donc, il est raisonnable de croire qu’il n’est pas possible d’opposer au courtier le refus de l’assureur de couvrir un risque et donc de lui imputer une faute si le courtier en informe rapidement et de manière transparente son client.

 

L’omission du courtier de transmettre l’avis de non-renouvèlement

Si le représentant ne se conforme pas à ces devoirs déontologiques, sa responsabilité peut être engagée en cette matière. Par exemple, l’omission de donner un avis écrit à l’assuré du non-renouvèlement de sa police d’assurance automobile peut mener à la condamnation du représentant d’assurance en matière disciplinaire[5]. Sauf en matière d’assurance automobile[6], aucune condition de forme n’est prévue par le législateur lors du non-renouvèlement de la police si aucune disposition contractuelle ne le prévoit. En effet, le courtier ou l’assureur qui avise l’assuré à l’avance de l’intention de ne pas renouveler la police suffit[7]. Le courtier omettant de donner avis à l’assuré du non-renouvèlement pourrait donc être condamné en matière disciplinaire.

 

 

Thomas Perrino

Étudiant en droit civil

Université d’Ottawa

 

Les imprécisions dans le texte sont la responsabilité de l’auteur.

 

Remerciements au professeur Vincent Caron, de la faculté de droit civil de l’Université d’Ottawa.

 

[1] Syndicat de copropriétés Les Verveines phase II c. Royal & Sun Alliance du Canada, 2016 QCCQ 866.

[2] Mathieu c. Promutuel Bagot, société mutuelle d’assurances générales, 2007 QCCS 2098.

[3] D.P. c. Intact (Acquéreur de la division d’assurance d’ING Canada inc.), 2011 QCCAI 95.

[4] Compagnie GMAC Location c. Compagnie d’assurances ING du Canada, 2007 QCCQ 4389.

[5] Chambre de l’assurance de dommages c. Barr, 2009 CanLII 16021 (QC CDCHAD).

[6] L’article 90 de la Loi sur l’assurance automobile du Québec prévoit l’obligation de donner un avis écrit du non-renouvèlement de la police automobile.

[7] Société d’entraide et d’établissement du Québec inc. c. Assurances Dumas & associés inc., 1998 CanLII 12768 (QC CA).