Des économies de bout de chandelle : L’obligation d’effectuer les réparations sur un bien – Doyon c. Intact Assurances, 2016 QCCQ 2355
Question
La Cour du Québec, division des petites créances, a du déterminer si l’assuré insatisfait des réparations pour lesquelles l’assureur l’a indemnisé doit s’adresser à l’assureur ou directement à l’entreprise ayant effectué les réparations, pour une réclamation. Cette décision aborde aussi les obligations de l’assureur lorsqu’il fait réparer un bien endommagé.
L’assuré étant insatisfait des réparations effectuées sur son bateau accidenté, réclame 15 000$ à son assureur. L’assureur de son côté appelle en garantie l’entreprise ayant effectué les réparations.
Les faits
En naviguant, l’assuré percute des roches et endommage son embarcation ainsi que le moteur. L’assureur laisse croire au départ que le bateau est perte totale.
L’assuré reçoit des estimations de réparation du bateau à 30 000$, alors que la valeur dépréciée de son bateau est estimée à 25 000$. L’assureur reçoit une estimation à 19 514,94$, montant duquel une franchise de 500$ est déduite. L’assureur fait réparer le bateau. Au fil du temps, les réparateurs s’aperçoivent que le moteur doit être remplacé et non réparé et trouvent d’autres problèmes non colligés lors de la soumission initiale. L’assureur débourse finalement 31 180,18$ pour faire réparer le bateau. Par contre, après l’avoir expertisé, l’assureur fait réparer le bateau et remplace le moteur.
L’assuré est insatisfait des réparations, parce que selon lui, elles s’avèrent incomplètes. Il est aussi insatisfait des réparations effectuées à la coque. L’assuré ignorait l’étendue des travaux à être effectués lorsqu’il a approuvé l’exécution des travaux. Ces travaux ne comptaient pas la réparation de l’ensemble des éléments endommagés, mais bien ceux demandés par l’assureur.
Le tribunal estime que l’assuré doit s’adresser à son assureur, et non pas à l’entreprise ayant effectué les réparations, pour réclamer des dommages.
L’analyse
L’assureur a opté pour la réparation du bateau. Ce choix lui appartient et est une option disponible parmi un éventail énuméré à l’article 2494 de Code civil du Québec, se lisant comme suit :
2494. Sous réserve des droits des créanciers prioritaires et hypothécaires, l’assureur peut se réserver la faculté de réparer, de reconstruire ou de remplacer le bien assuré. Il bénéficie alors du droit au sauvetage et peut récupérer le bien. [Je souligne]
Opter pour cette option fait naitre des obligations pour l’assureur. En effet, le tribunal adhère aux propos de la Cour supérieure dans la décision Chalifoux c. Compagnie d’assurance du Québec, (1994) R.R.A. 174, selon laquelle en faisant réparer le bien, l’assureur devient le maître d’œuvre des réparations et est garant de la qualité. L’obligation de l’assureur d’indemniser n’est donc pas exécutée tant que la réparation est incomplète ou défectueuse.
De plus, le choix du réparateur est accessoire et non pertinent pour l’espèce. L’assuré peut suggérer des réparateurs, mais ultimement, l’assureur a un pouvoir de direction quant au choix du réparateur. Selon le professeur Didier LLuelles, l’assureur n’est pas un réparateur puisqu’il ne répare pas lui-même les biens. Par contre, il demeure responsable de la qualité des travaux effectués par le réparateur choisi[1]. L’assureur ne fait que consulter l’assuré sur le « choix » du réparateur. L’assureur est responsable des réparations incomplètes et doit procurer une solution finale au problème. La jurisprudence ne fait pas de distinction entre qui, de l’assuré ou l’assureur a choisi le réparateur[2].
En l’espèce, l’assureur était tenu d’effectuer les réparations et non pas de verser une indemnité à l’assuré pour qu’il les fasse exécuter. La question aurait été tout autre dans cette hypothèse, l’assureur s’acquittant de son obligation d’indemniser en versant le montant convenu.
Le tribunal condamne l’assureur à verser 7104$ à l’assuré, montant que ce dernier a réussi à prouver. De plus, l’appel en garantie de l’entreprise de réparation par l’assureur a échoué, puisque l’assureur n’a pas démontré que les travaux avaient été mal faits. L’insatisfaction de l’assuré résulte plutôt de travaux non effectués.
Il est à retenir de cette décision que l’assureur a plusieurs options pour indemniser l’assuré, en vertu de l’article 2494 du Code civil du Québec. Or, lorsqu’il choisi de faire réparer le bien endommagé, l’assureur est responsable de la réparation complète du bien. Cette obligation découle du caractère indemnitaire de la police d’assurance, l’assureur ne s’acquittant de l’indemnisation qu’une fois le bien remis en état ou remplacé.
Thomas Perrino
Gradué de la licence en droit civil de l’université d’Ottawa
Les imprécisions sont la responsabilité de l’auteur.
Remerciements au professeur Vincent Caron, de la faculté de droit civil de l’Université d’Ottawa.
[1] Lluelles, Didier, Précis des assurances terrestres, 4e édition, Les éditions Thémis, Montréal 2005, p. 337.
[2] Chalifoux c. Compagnie d’assurance du Québec, (1994) R.R.A. 174 (C.S.).