DÉCLARATION DE RISQUE INITIALE : QU’EN EST-IL DE L’ENTREPOSAGE HORS QUÉBEC DU BIEN?
À la suite de l’incendie de sa caravane survenu le 16 mai 2010, M. Goudreau réclame de sa compagnie d’assurances, La compagnie d’assurance Élite (Aviva), une indemnité de 30 000$ pour la perte qu’il a subie. Or, cette dernière l’informe qu’il ne sera pas indemnisé puisqu’il a omis de divulguer toutes les informations nécessaires à l’évaluation du risque par son assureur, entraînant la nullité ab initio de la police d’assurance. L’honorable Sylvie Lachapelle a rendu jugement le 2 août 2012 dans l’affaire Goudreau c. Compagnie d’assurances Élite (Aviva) (2012 QCCQ 6661) afin de trancher le litige opposant les deux parties.
Les faits :
M. Goudreau achète sa caravane en 2002 afin de faire des voyages de chasse et de pêche au Québec et au Nouveau-Brunswick. La caravane est immatriculée au Québec et est assurée chez Aviva au moment du sinistre, et ce, depuis plusieurs années. En novembre 2007, M. Goudreau est contraint de se trouver un nouveau lieu d’entreposage pour sa caravane puisque l’endroit au Québec qu’il utilisait n’est plus disponible. Il communique alors avec son courtier d’assurance pour s’informer de la possibilité d’entreposer sa caravane chez son beau-frère, au Nouveau-Brunswick, ce qui sera refusé par Aviva. Durant les hivers 2007-2008 et 2008-2009, M. Goudreau entreposera tout de même sa caravane à cet endroit.
Au moment du renouvellement du contrat d’assurance, soit le 2 novembre 2009, M. Goudreau s’informe de nouveau auprès de son courtier quant à la possibilité de laisser son véhicule au Nouveau-Brunswick pour la saison hivernale. Malgré une version contradictoire des faits quant aux questions posées à ce moment-là par le courtier, il ressort qu’Aviva a alors accepté ce nouveau risque sans surcharge pour M. Goudreau.
Analyse :
Aviva soutient que sa décision de résilier la police d’assurance se fonde sur les fausses déclarations de son assuré à l’effet que le véhicule serait entreposé du 1er novembre 2009 au 1er mai 2010 alors qu’au jour du sinistre, soit le 16 mai 2010, celui-ci était toujours entreposé, en plus de l’omission par l’assuré de divulguer que le port d’attache de la caravane était, depuis 2007, au Nouveau-Brunswick.
Quant à lui, M. Goudreau prétend qu’il n’a en aucun temps donné à son courtier de dates fixes pour l’entreposage, mais qu’il aurait plutôt parlé « d’hivernation » de son véhicule. Pour ce qui est du port d’attache de sa caravane, celui-ci soutient plutôt qu’il y en a plusieurs et qu’il ne considérait pas le Nouveau-Brunwick comme étant le seul port d’attache de son véhicule.
La juge Lachapelle, après avoir rappelé le droit applicable en matière de déclaration initiale de risque, conclut que l’assureur n’a pas démontré qu’il n’aurait pas accepté le risque s’il avait été correctement informé. Le témoignage de la représentante d’Aviva et du courtier sont imprécis au sujet du risque acceptable par Aviva en lien avec la possibilité d’entreposer un bien hors du Québec et pour quelle période. La Cour en vient à la conclusion qu’il y a donc une certaine marge de manoeuvre quant à ces décisions et que, par conséquent, le risque n’est pas systématiquement refusé par l’assureur.
Après avoir entendu les témoins, le tribunal retient la version de l’assuré quant aux informations fournies par ce dernier concernant la durée de l’entreposage. En effet, il ressort de la preuve que M. Goudreau aurait plutôt parlé de la possibilité d’entreposer son bien pour l’hiver, ce qui aurait été interprété par le courtier comme étant entre le 1er novembre 2009 et le 1er mai 2010, soit la période d’hivernation usuelle d’un véhicule. M. Goudreau n’ayant par la suite reçu aucune confirmation écrite de la modification de police, il n’a alors pas pu réaliser l’erreur commise par le courtier.
Finalement, en ce qui concerne la question du port d’attache de la caravane au courant de l’année, la juge Lachapelle conclut que la preuve a révélé que la caravane était mobile et n’était pas établie en permanence au Nouveau-Brunswick. De plus, en aucun temps Aviva n’a démontré ce qu’elle entendait par « port d’attache » et son importance quant à l’évaluation du risque initial. De l’avis du tribunal, une personne raisonnable ne pouvait savoir qu’elle devait fournir une telle information. L’assuré n’a donc en aucun temps caché d’informations à son assureur ni n’a commis de réticence quant à la collecte de renseignements de ce dernier.
Conclusion :
Lorsqu’un assureur entend invoquer la nullité ab initio d’une police d’assurance, il doit faire la preuve que le risque non dévoilé n’aurait pas été accepté. De plus, il doit être en mesure de démontrer que l’assuré a manqué à son obligation de divulgation en fournissant de fausses informations ou en omettant de divulguer des éléments qu’une personne raisonnable pouvait croire importants pour un assureur dans l’évaluation du risque. Cette preuve n’est pas simple à faire, comme le démontre clairement cette affaire.