CONTRAT D’ASSURANCE POUR BRIS DE MACHINE ; QU’EST-CE QU’UNE « PANNE SOUDAINE ET ACCIDENTELLE » DE LA MACHINERIE ASSURÉE QUI DONNE LIEU À UNE INDEMNITÉ?
Dans une décision récente (Aviva, compagnie d’assurances du Canada c. Ayers ltée, 2015 QCCA 2000), la Cour d’appel a confirmé l’interprétation donnée par la Cour supérieure à l’expression «panne soudaine et accidentelle», élément important de la notion d’accident défini au contrat d’assurance pour bris de machine intervenu entre les parties.
Ayers ltée («Ayers») exploitait trois turbines de production d’électricité qui faisaient l’objet d’une protection d’assurance souscrite auprès d’Aviva, compagnie d’assurances du Canada («Aviva»), laquelle couvrait les dommages aux biens assurés et les pertes d’exploitation.
Le 21 août 2006, la turbine no 3 a cessé de fonctionner en raison de la fissuration de son arbre-turbine. Ayers a alors consulté deux spécialistes qui ont observé la même problématique sur les deux autres turbines. Ayers a décidé de ne pas redémarrer les turbines no 1 et no 2 et de procéder à leur réparation et au remplacement des pièces endommagées. Des dommages ont donc été occasionnés à Ayers tant pour la réparation des turbines, que pour la perte d’exploitation liée à leur arrêt de services.
Aviva a accepté de l’indemniser en partie pour la turbine no 3, mais a soutenu ne rien lui devoir quant aux turbines no 1 et no 2, prétextant l’absence d’un accident tel que défini à la police, soit une panne soudaine et accidentelle. En effet, Aviva prétendait que la décision de ne pas les remettre en service ne pouvait être associée à une telle panne soudaine et accidentelle.
En première instance, le juge a conclu qu’Aviva devait indemniser Ayers pour les turbines no 2 et no 3, mais non pour la turbine no 1. Pour parvenir à ces conclusions, le juge de première instance s’est livré à l’analyse de l’expression «panne soudaine et accidentelle». Il en a retenu la définition suivante : «[u]ne telle panne survient lorsqu’un mécanisme arrête de fonctionner ou qu’il ne peut plus remplir son rôle et que cela se produit en très peu de temps ou en un instant et de manière imprévue».
Aviva a porté cette décision en appel. La Cour d’appel a confirmé la définition de « panne soudaine et accidentelle » retenue par la Cour supérieure et en a dégagé deux cas de figure distincts:
1- le mécanisme arrête de fonctionner en très peu de temps ou en un instant et de manière imprévue;
2- le mécanisme ne peut plus remplir son rôle en très peu de temps ou en un instant et de manière imprévue.
Vu le 2e cas de figure, la Cour d’appel a décidé qu’une panne soudaine et accidentelle n’était pas forcément le résultat d’une interruption de fonctionnement de l’objet lui-même. Au contraire, si le mécanisme ne pouvait plus remplir son rôle, la mise à l’arrêt par intervention humaine pouvait aussi en être une dans certaines circonstances.
La Cour d’appel a par ailleurs précisé que l’assuré devait effectivement constater une impossibilité pour la machine concernée de remplir son rôle et que c’était inéluctablement la conclusion à laquelle en serait également arrivée une personne prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances. La mise à l’arrêt ne doit donc pas être une simple mesure de précaution que l’assuré croit indiquée.
En l’espèce, la Cour d’appel a jugé que la Cour supérieure n’avait pas commis d’erreur en concluant que la turbine no 2 avait subi une panne soudaine et accidentelle, celle-ci ne pouvant plus remplir son rôle sans risque d’aggravation ou de dangers sérieux. Tel n’était pas le cas pour la turbine no 1, qui n’avait pas été redémarrée que par précaution.
Cette décision sera donc fort utile, tant pour les assurés que les assureurs, pour l’application des polices d’assurance pour bris de machine, qui comportent souvent l’expression «panne soudaine et accidentelle» ou d’autres expressions semblables.
Les avocats du secteur PFD assurances